Les 5èmes rencontres internationales du programme Micosylva vont se tenir à Sarlat du 4 au 8 octobre (cf lien vers le site internet, colonne de droite). Au programme de la journée du vendredi, plusieurs conférences avec notamment A Fortin de l’université de Laval au Québec et M Garbaye de l’INRA Nancy.

C’est l’occasion de parler d’un sol développé à partir de roches cristallines en Dordogne, observé sur l’une des placettes micosylvo-démonstratives.
Le contexte  géologique et géomorphologique est représentatif des plateaux cristallins du nord-ouest du département : formations  γ2M : leucogranite calco-alcalin à tendance monzonitique, à grains moyens à gros et à muscovite dominante ; localement, formations A d’altérite des leucogranites, d’étendue mal identifiée. Des passées filoniennes de Lamprophyre traverseraient le secteur selon un axe nord-sud. (feuille BRGM Chalus).
La fosse est ouverte au nord de la placette.

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vue de la placette vers l’ouest

D’abord ouverte à la force de nos petits bras, un tracto est vite venu prendre le relais pour approfondir la fosse jusqu’à deux mètres. C’est donc avec Lesponne, le seul site dans lequel l’observation est aussi complète.

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vue du solum

Un premier ensemble d’horizons se développe entre 0 et 40cm de profondeur. La texture y est grossière (sable limoneux) puis plus équilibrée (limono-argilo-sableux), ce changement de texture s’accompagnant d’une augmentation de compacité ; la structure est fine, peu nette, la prospection racinaire est assez intense. Cet ensemble est issu d’une arène (granitique) qui s’étend entre 70 et 110cm de profondeur ; celle-ci est très compacte, peu fissurée, ménageant peu d’espaces très confinés dans lesquels s’insinuent quelques rares racines fines. Les tâches d’oxydation augmentent au contact de l’arène. Puis, brusquement, se développe un deuxième ensemble d’horizons caractérisés par une texture argileuse, une structure prismatique, une compacité moyenne mais une plasticité importante. Ces horizons sont aussi plus frais. Ils s’étendent au delà de 200cm de profondeur. Les fissures entre agrégats sont intensivement prospectées par des racines fines à moyennes, aplaties. La matrice présente de nombreuses tâches d’oxydation et de réduction, voire même des décolorations dénotant un départ du fer ; les faces des agrégats sont revêtues de pellicules ferromanganiques. Ce solum présente au moins deux ruptures nettes : la première à 70cm de profondeur, au contact avec l’arène ; la deuxième à 110cm matérialisée par le contact entre l’arène et l’argile. Une troisième rupture, moins nette, s’établit vers 20cm de profondeur : la compacité augmente alors brusquement.

 

 

Les graphiques ci-dessous permettent de résumer les caractéristiques physiques et chimiques du sol.

solum_ChampRomainPhys_extrait_bis      solum_ChampRomainChim_extrait      

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L’épisolum pose quelques problèmes : un C/N bas, un pH acide à hyper-acide, une structure biomésostructurée de A1 entre 0 et 3cm de profondeur… et un horizon OL discontinu. Le rattachement le plus vraisemblable serait un oligomull, mais le faciès des horizons de litière correspond plutôt à un mésomull.
En terme de fonctionnement hydrodynamique, je propose les éléments suivants : il est probable que l’essentiel des flux hydriques verticaux consécutifs à un épisode pluvieux s’établisse d’abord entre la surface et 70cm de profondeur ; la porosité étant malgré tout fine et moyennement développée, ces flux doivent être relativement lents, à vérifier sur les hydrogrammes. L’arène granitique formant un premier plancher, on peut estimer que ce premier ensemble d’horizons forme un réservoir dans lequel la RUM est de 85mm au maximum. Toutefois, ce réservoir n’est pas homogène et il faut probablement le scinder en deux sous-ensembles : le plus proche de la surface dans les horizons sablo-limoneux de 20cm d’épaisseur, d’une RUM d’environ 10mm, dont la vitesse de remplissage est plus rapide que le deuxième, correspondant à l’horizon plus argileux entre 20cm et 70cm de profondeur, d’une RUM d’environ 75mm d’eau. La faible vitesse des flux dans le deuxième compartiment y est confirmée par l’apparition d’indices d’engorgement temporaire.
Puis, au sein de l‘arène, les flux sont très restreints et très lents, occupant la fissuration verticale et oblique. Cette arène participe très peu à l’alimentation hydrique, sa RUM est très faible. Enfin, dès que les racines rejoignent l’horizon argileux profond, elles trouvent de nouveau une source d’alimentation hydrique ; sur l’épaisseur de solum observée, on peut estimer que la RUM approche 200mm.

structure prismatique de l’horizon profond
fortement prospecté par les racines

Ce sol présente en outre des contraintes chimiques fortes jusqu’à l’arène : les horizons y sont acides à hyper-acides, la CEC est d’abord faible puis moyenne mais le complexe est faiblement saturé à désaturé, les teneurs en phosphore (méthode Duchaufour) sont faibles, de même que les teneurs en K. Enfin, la teneur en aluminium est élevée (plus de 30% de la CEC cobalti) , ce qui peut provoquer des phénomènes de toxicité aluminique. Dans les horizons argileux profonds, en revanche, la CEC est élevée et les teneurs en Ca, K et Mg sont également élevées ; seul le phosphore reste limitant. Les contraintes en terme de nutrition minérale sont donc atténuées, bien que le pH reste acide.

Rattachement au RPF 2008 : le sol issu de l’arène présente des caractéristiques qui le rapprochent des ALOCRISOLS. Dans ce cas, il n’est pas impossible que l’horizon plus argileux soit le résultat de l’altération des minéraux primaires, ou qu’il soit en plus le siège d’accumulation d’argile, (mais son épaisseur élevée pose problème et je ne pense pas qu’il s’agisse d’un BT argilluvial). Les horizons profonds pourraient constituer un PALEO-REDOXISOL. Le rattachement serait donc ALOCRISOL TYPIQUE peu épais, faiblement rédoxique, sablo-limoneux, d’arène granitique, sur PALEO-REDOXISOL.

 

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