Aujourd’hui, prospection vers le col de Culaus, c’est élégant à dire pour un pédologue adhérent de l’AFES. Parking à la fruitière, au-delà de Cauterets ; une seule autre voiture est garée avec deux occupants qui sortent s’équiper pour faire du trail ; bien que l’on parte avant, on ne les revoit pas ensuite, ce qui est encourageant : on va donc au minimum aussi vite qu’eux. (autre option : ils redescendent à Cauterets, mais c’est moins gratifiant pour nous).
La bifurcation pour le refuge de Russell est sur la gauche après une cabane nichée dans les pins. Dès les premiers lacets du sentier, des bouses de vaches et là, stupeur : une magnifique empreinte de grosse patasse d’ours, toute fraîche. On rigole mais le brouillard et les nuages aidant, finalement on ne voit pas bien loin et on reste vigilant car on ne sait jamais, si on en voyait un pour de vrai ?
On dépasse le refuge Russell et les nuages s’amoncèlent tout comme la neige dans les combes ; il nous faut suivre les cairns en absence de chemin bien tracé, mais revoilà les empreintes qui suivent aussi le même chemin que nous ! Serait-ce finalement un autre pédologue ? Après une montée plutôt raide, le col est enfin en vue. Le décor est de plus en plus austère, parfois des arrêtes de granite se détachent sur fond de nuage noir, rarement sur fond de ciel bleu. Au col, de vagues trouées nous donnent un aperçu de la vallée du lac noir ; le névé qui bascule côté Est porte encore les traces du passage de l’ours (on a finalement décidé que ce n’était pas un pédologue, il ne peut statistiquement pas y en avoir trois au même endroit en même temps, sauf éventuellement aux JES). A 2500m d’altitude, des placages de Rankers animent le paysage ; un profil, puis le vent et le froid nous délogent de là, il faut redescendre. Au milieu des chaos de blocs, on retrouve ça et là des dépôts de terre fine colmatante enfouis sous les rhododendrons, des replats herbeux sont occupés par d’anciens reposoirs mais les sols y sont squelettiques ; puis la forêt reprend lentement ses droits et les sols s’épaississent enfin. Un autre profil en vue du refuge. Les lacets dans le mur d’auge nous montrent quelques beaux exemples d’organosols réductiques, encore un truc qui va échapper à l’inventaire des zones humides du département (c’est trop compliqué de toute façon). Retour dans le fond de la vallée, sur les dépôts morainiques, quand la pluie se met à tomber à grosses gouttes bien froides. Encore un dernier profil sur un Alocrisol, et c’est la course jusqu’à la voiture. Evidemment, je perds et j’arrive dernier, mais je dois faire trois pas quand mon acolyte n’en fait qu’un !
La difficulté dans ce genre d’exercice c’est à la fois de décrire des sols qui ne sont pas forcément très courants, qui ne sont pas forcément très bien référencés dans le RP et en plus de les positionner dans un paysage qui ne nous est pas habituel. Il faut arriver à dépasser le stade de l’originalité et du pré-positionnement obligatoire, accepter de dériver un peu pour prendre ses marques. Il faut arriver à construire une carte qui ne soit pas une carte géol, pas une carte géomorpho, mais une synthèse des deux avec en plus les (faux-) étages bioclimato qui viennent bousculer tout ça. Nom d’un ours !
vue depuis les premiers lacets vers le fond de la vallée
le refuge Russell dans les nuages
Nicolas prend des photos depuis le col